Les années s’égrènent. Neuf ans déjà sans aucune lueur dans le dossier. L’affaire Salifou Nébié est une totale omerta. Il est pourtant clair que le juge a été assassiné, même si les assassins n’ont pas été pris la main dans le sac. Souvenons-nous. Nous sommes au crépuscule du règne de 28 ans de Blaise Compaoré. Salifou Nébié, un des piliers de la justice révolutionnaire (nous étions alors sous la RDP) est parachuté au Conseil constitutionnel, après Cuba où il exerça comme premier ambassadeur du Burkina dans ce pays.
Revenu au Faso, Blaise Compaoré le garde à la présidence du Faso comme son conseiller personnel et finit par le reverser au Conseil constitutionnel pour garder le Temple. Pendant les TPRs en effet, le juge Nébié avait été particulièrement efficace en démasquant les dissimulateurs et autres trafiquants d’or. « Où est l’or ! » insistait-il d’une voix forte et ferme malgré les dénégations des prévenus. Mais en 2014, la scène politique nationale se délite et l’ami de Blaise Compaoré commence à ne plus se sentir à l’aise. Entre ses amis d’enfance et le système dont il est sensé être le fidèle gardien, rien ne va plus. Le cœur du magistrat balance ! Erreur de Gawa. La posture de balançoire est perçue au sein du système comme une trahison.
D’où viendra le sursaut? En ce 9ème anniversaire de l’assassinat de Salifou Nébié, nous voulons par ce rappel lui renouveler l’hommage éternel que nous devons à ce grand serviteur de l’Etat.
Dans ce climat de suspicion généralisée, le juge constitutionnel est assassiné le 24 mai 2014. Dans sa région natale, on crie au meurtre et on implore la justice des mânes. La mort du juge constitutionnel intervenu dans un climat insurrectionnel, en raison de l’accumulation des meurtres politiques, plombe davantage le climat social. Le compte à rebours est acté avec enchaînement des manifestations populaires. Blaise Compaoré est chassé par l’insurrection populaire d’octobre, cinq mois seulement après l’assassinat du juge Nébié. C’est une victoire d’étape qui a une saveur particulière pour les parents et nombreux amis du juge. Reste cependant l’essentiel. Qui a ordonné l’assassinat du juge et pourquoi ? Quels en sont les exécuteurs ? Ces derniers, 9 ans après, continuent de courir.
L’ordre politique a connu dans l’intervalle trois changements de régime, mais le constat demeure toujours le même : les écuries n’ont pas été nettoyées et la chape de plomb continue de voiler le dossier. C’est la toile de fond de toutes les malédictions qui nous accablent aujourd’hui.
Germain Bitiou Nama
Administrateur général du bimensuel l’Evénement