Le Président Macron tire la leçon de la déroute militaire des Occidentaux : « On ne peut pas imposer la démocratie ». Thucydide 1 depuis l’Antiquité, avait déjà mis en garde contre l’impérialisme démocratique, la conduite des guerres non nécessaires et qui sabordaient ainsi la puissance étatique.
Nous sommes bien en face d’une défaite morale majeure.
Avoir engagé une guerre en 2001 sur l’idée de punition légitime des auteurs de l’attentat contre les Tours Jumelles de New York et s’être laissé entraîné dans une guerre sur de bons sentiments, humanistes et de facilitation de la démocratie libérale, avoir dépensé des dizaines de milliards de dollars, changer la donne de la stabilité régionale par le réarmement moderne et massif des Talibans, énoncent la déroute de ce mois d’Août 2021. Ignoble ! Cette déroute militaire de l’Otan et de l’armée supplétive afghane est le nom de la défaite d’une illusion : exporter le modèle libéral de la démocratie.
Pour le philosophe, le bon diagnostic de la défaite de cette illusion impériale occidentale, épèle le nouveau monde multipolaire, pas seulement au plan des institutions multilatérales mais aussi et désormais, au niveau des contenus et modèles de gouvernance démocratique.
Chacun peut désormais assumer que la démocratie est un processus endogène aux mains d’une société libre. Et ce socle civilisationnel singulier administre l’exercice des
pouvoirs publics et de la puissance publique. Il peut bien être libéral, électoral et représentatif ou plutôt délibératif et participatif en vue de construire des consensus pour résorber le polemos inhérent au vivre-ensemble.
L’accroissement de la gloire est ainsi le Graal des militaires tandis que les dirigeants d’une société libre savent que les guerres d’occupation génèrent la tragédie démocratique là-bas et ici, sa détresse. Parce que l’idée même de droit (des femmes, des enfants de tous) demeure l’idée de paix conviviale. Pire, pas même, la paix géopolitique.
Tour à tour, l’invincible Afghanistan aura mis fin brutalement aux servitudes impériales anglaise, soviétique en 1989 et américaine en 2021.
La France doit regretter la monarchie francophile du Roi Zaher Shah d’Afghanistan. Tour à tour, les interférences hégémoniques ont brisé le rêve des femmes et des jeunes afghans de vivre dans leur pays multiethnique, multiculturel qui savait fêter Norouz, le Nouvel An perse, l’Aïd et le drapeau tricolore, le symbole et le lieu imprenable de la souveraineté de ce pays. Tour à tour, ces ingérences hégémoniques ou au nom de bons sentiments, ont fractionné et généré des violences inouïes par l’affaissement de l’Etat central et de ses institutions. Lorsque les Moudjahidines ont chassé les Soviets en 1989, le pays est d’office devenu un pays en reconstruction sous le joug taliban. Pour vaincre, ils ont été aidés par les Américains et les Saoudiens via le Pakistan (continuité tribale pachtoune et territoriale). Aujourd’hui, la sortie très peu digne de l’Otan de l’Afghanistan, boucle provisoirement la boucle. Un pays tour à tour tiraillé entre les bellicismes Indo-pakistanais, Irano-Saoudien, Qatari-Emirati, Sino-Occidental, Turco-Russe, j’en oublie. Des confluences orageuses pour faire le lit des violations massives des droits des femmes, du vol de rêve des enfants afghans tantôt par Najibullah, Mollah Omar, Karzaï, Ghani et le suprême Akhundzada. Cette géopolitique des bellicismes a
tour à tour des consonnances monarchiste, sunnite, communiste, chiite, libéral civilisationnel ou islamiste.
Comment avoir pensé, un seul instant, pouvoir au nom d’un paradigme hégémonique,
changer voire « imposer » à l’Afghanistan, le modèle libéral démocratique ? Ce socle de principes et de valeurs frappé du sceau de la tolérance au nom du modèle laïc occidental (le modèle français est plus libertaire, le modèle multiculturel anglo-saxon plus ouvert) qui promeut les offenses au sacré, minimise la culture du blasphème, insulte la foi des autres et ravale la laïcité au rang de religion civique contraposée outrageusement aux vieux monothéismes, heurte les perçus des divinités africaines et autres.
Le nouveau monde est multipolaire en tous ses lieux de mémoire, de pouvoir. Cette leçon vaut pour tous. Et singulièrement, pour nous les Africains au sud du Sahara dont les irrédentismes religieux, ethniques, la crise du pastoralisme et ses induits de conflits et stigmatisation de certains groupes sociaux versus l’émergence de milices communautaires et, la quincaillerie militaire des puissances occidentales sur zone en conquérante, au nom des calculs et bons sentiments, qui prétend régenter le délitement ou à tout le moins, se substituer aux faillites de nos Etats, nos institutions
incapables de remplir leurs missions régaliennes ; donner les mêmes services universels de base à tous les citoyens sur l’ensemble des territoires délimités, nous avons le devoir de rétablir les équilibres militaires et géopolitiques pour la paix et la sécurité, la stabilisation de nos espaces publics et renouer avec la convivialité par nous- mêmes.
La responsabilité est primordialement, ma responsabilité.
La dualité géopolitique est la mère des paix trompeuses engrangées, tantôt par telle coalition hétéroclite aux intérêts géopolitiques torrentiels, tantôt par telle autre dont l’invariant est la malveillance et la malice dès lors que le destin leur fait signe. En Afghanistan comme au Sahel, la paix civile et la cohésion nationale ne répondent que de la tolérance vécue ancestrale, de la convivialité sociale ouverte au sein des sociétés civiles vibrantes. Les alliances de circonstances géostratégiques de telle puissance hégémonique avec telle société politique locale ou la production d’une technostructure supplétive de substitution, relèvent désormais de la déréliction politique. Les incubations de modèle et leurs ingénieries hégémoniques, quelles qu’elles soient, sont des éphémérides. Le vol d’une luciole, certes, éclaire la caverne, mais échoue à sédimenter le brio du survol. Il urge alors de laisser prospérer la sagesse des gens du terroir, émancipés des merveilles de la raison instrumentale certes, mais certains que c’est en rendant visite à leur terre-mère, sa culture, ses accents, ses saveurs, ses illusions et ses fulgurances morales, visiter soi-même et partant, dialoguer entre soi et partager avec les enfants précoces ou insouciants de son pays, la commune prospérité au nom de leur imprenable dignité.
Les femmes, les enfants, ces ressorts de la paix, de la solidarité assureront pour tous, la paix conviviale, cette puissance douce.
La Paix conviviale assure à la démocratie, une montée en gamme de la puissance de
l’Etat. Or, aucune guerre fondée sur la puissance militaire comparative n’assure la démocratie (parce qu’imposée).
Il s’ensuit que la guerre de puissance comparée ne produit ni la sécurité pour les hégémoniques, ni la paix conviviale pour les autochtones du pays envahi. La guerre est la décision par la victoire militaire. Cette victoire n’est point la paix, a fortiori sa perte.
La Pax Liberalis ne vaut que pour les pays de même régime tandis que la Pax Conviviale traite de chacun comme convive. Elle est donc notre créance.
Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, VI, 24, p. 1125
La Paix conviviale assure à la démocratie, une montée en gamme de la puissance de l’Etat. Or, aucune guerre fondée sur la puissance militaire comparative n’assure la démocratie (parce qu’imposée).
Mamadou Djibo
Baanè-Badikiranè
Philosophe